А la recherche du sentier perdu — КиберПедия 

Поперечные профили набережных и береговой полосы: На городских территориях берегоукрепление проектируют с учетом технических и экономических требований, но особое значение придают эстетическим...

Адаптации растений и животных к жизни в горах: Большое значение для жизни организмов в горах имеют степень расчленения, крутизна и экспозиционные различия склонов...

А la recherche du sentier perdu

2023-01-01 21
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Comme nous rentrions, le soleil dissipait la lйgиre brume du matin; les mйnagиres sur le seuil des maisons secouaient leurs tapis ou bavardaient; et, dans les champs et les bois, aux portes du bourg, commenзait la plus radieuse matinйe de printemps qui soit restйe dans ma mйmoire.

Tous les grands йlиves du cours devaient arriver vers huit heures, ce jeudi-lа, pour prйparer, durant la matinйe, les uns le Certificat d’Йtudes Supйrieures, les autres le concours de l’Йcole Normale. Lorsque nous arrivвmes tous les deux, Meaulnes plein d’un regret et d’une agitation qui ne lui permettaient pas de rester immobile, moi trиs abattu, l’йcole йtait vide... Un rayon de frais soleil glissait sur la poussiиre d’un banc vermoulu, et sur le vernis йcaillй d’un planisphиre.

Comment rester lа, devant un livre, а ruminer notre dйception, tandis que tout nous appelait au-dehors: les poursuites des oiseaux dans les branches prиs des fenкtres, la fuite des autres йlиves vers les prйs et les bois, et surtout le fiйvreux dйsir d’essayer au plus vite l’itinйraire incomplet vйrifiй par le bohйmien – derniиre ressource de notre sac presque vide, derniиre clef du trousseau, aprиs avoir essayй toutes les autres?... Cela йtait au-dessus de nos forces! Meaulnes marchait de long en large, allait auprиs des fenкtres, regardait dans le jardin, puis revenait et regardait vers le bourg, comme s’il eыt attendu quelqu’un qui ne viendrait certainement pas.

– J’ai l’idйe, me dit-il enfin, j’ai l’idйe que ce n’est peut-кtre pas aussi loin que nous l’imaginons...

» Frantz a supprimй sur mon plan toute une portion de la route que j’avais indiquйe.

» Cela veut dire, peut-кtre, que la jument a fait, pendant mon sommeil, un long dйtour inutile...

J’йtais а moitiй assis sur le coin d’une grande table, un pied par terre, l’autre ballant, l’air dйcouragй et dйsњuvrй, la tкte basse.

– Pourtant, dis-je, au retour, dans la berline, ton voyage a durй toute la nuit.

– Nous йtions partis а minuit, rйpondit-il vivement. On m’a dйposй а quatre heures du matin, а environ six kilomиtres а l’ouest de Sainte-Agathe, tandis que j’йtais parti par la route de La Gare а l’est. Il faut donc compter ces six kilomиtres en moins entre Sainte-Agathe et le pays perdu.

» Vraiment, il me semble qu’en sortant du bois des Communaux, on ne doit pas кtre а plus de deux lieues de ce que nous cherchons.

– Ce sont prйcisйment ces deux lieues-lа qui manquent sur ta carte.

– C’est vrai. Et la sortie du bois est bien а une lieue et demie d’ici, mais pour un bon marcheur, cela peut se faire en une matinйe...

А cet instant Mouchebњuf arriva. Il avait une tendance irritante а se faire passer pour bon йlиve, non pas en travaillant mieux que les autres, mais en se signalant dans des circonstances comme celle-ci.

– Je savais bien, dit-il triomphant, ne trouver que vous deux. Tous les autres sont partis pour le bois des Communaux. En tкte: Jasmin Delouche qui connaоt les nids.

Et, voulant faire le bon apфtre, il commenзa а raconter tout ce qu’ils avaient dit pour narguer le Cours, M. Seurel et nous, en dйcidant cette expйdition.

– S’ils sont au bois, je les verrai sans doute en passant, dit Meaulnes, car je m’en vais aussi. Je serai de retour vers midi et demi.

Mouchebњuf resta йbahi.

– Ne viens-tu pas? me demanda Augustin, s’arrкtant une seconde sur le seuil de la porte entrouverte – ce qui fit entrer dans la piиce grise, en une bouffйe d’air tiйdi par le soleil, un fouillis de cris, d’appels, de pйpiements, le bruit d’un seau sur la margelle du puits et le claquement d’un fouet au loin.

– Non, dis-je, bien que la tentation fыt forte, je ne puis pas, а cause de M. Seurel. Mais hвte-toi. Je t’attendrai avec impatience.

Il fit un geste vague et partit, trиs vite, plein d’espoir.

Lorsque M. Seurel arriva, vers dix heures, il avait quittй sa veste d’alpaga noir, revкtu un paletot de pкcheur aux vastes poches boutonnйes, un chapeau de paille et de courtes jambiиres vernies pour serrer le bas de son pantalon. Je crois bien qu’il ne fut guиre surpris de ne trouver personne. Il ne voulut pas entendre Mouchebњuf qui lui rйpйta trois fois que les gars avaient dit:

– S’il a besoin de nous, qu’il vienne donc nous chercher!

Et il commanda:

– Serrez vos affaires, prenez vos casquettes, et nous allons les dйnicher а notre tour... Pourras-tu marcher jusque-lа, Franзois?

J’affirmai que oui et nous partоmes.

Il fut entendu que Mouchebњuf conduirait M. Seurel et lui servirait d’appeau... C’est-а-dire que, connaissant les futaies oщ se trouvaient les dйnicheurs, il devait de temps а autre crier а toute voix:

– Hop! Holа! Giraudat! Delouche! Oщ кtes-vous?... Y en a-t-il?... En avez-vous trouvй?...

Quant а moi, je fus chargй, а mon vif plaisir, de suivre la lisiиre est du bois, pour le cas oщ les йcoliers fugitifs chercheraient а s’йchapper de ce cфtй.

Or, dans le plan rectifiй par le bohйmien et que nous avions maintes fois йtudiй avec Meaulnes, il semblait qu’un chemin а un trait, un chemin de terre, partоt de cette lisiиre du bois pour aller dans la direction du Domaine. Si j’allais le dйcouvrir ce matin!... Je commenзai а me persuader que, avant midi, je me trouverais sur le chemin du manoir perdu...

 

La merveilleuse promenade!... Dиs que nous eыmes passй le Glacis et contournй le Moulin, je quittai mes deux compagnons, M. Seurel dont on eыt dit qu’il partait en guerre – je crois bien qu’il avait mis dans sa poche un vieux pistolet – et ce traоtre de Mouchebњuf.

Prenant un chemin de traverse, j’arrivai bientфt а la lisiиre du bois, seul а travers la campagne pour la premiиre fois de ma vie comme une patrouille que son caporal a perdue.

Me voici, j’imagine, prиs de ce bonheur mystйrieux que Meaulnes a entrevu un jour. Toute la matinйe est а moi pour explorer la lisiиre du bois, l’endroit le plus frais et le plus cachй du pays, tandis que mon grand frиre aussi est parti а la dйcouverte. C’est comme un ancien lit de ruisseau. Je passe sous les basses branches d’arbres dont je ne sais pas le nom mais qui doivent кtre des aulnes. J’ai sautй tout а l’heure un йchalier au bout de la sente, et je me suis trouvй dans cette grande voie d’herbe verte qui coule sous les feuilles, foulant par endroits les orties, йcrasant les hautes valйrianes.

Parfois mon pied se pose, durant quelque pas, sur un banc de sable fin. Et dans le silence, j’entends un oiseau – je m’imagine que c’est un rossignol, mais sans doute je me trompe, puisqu’ils ne chantent que le soir – un oiseau qui rйpиte obstinйment la mкme phrase: voix de la matinйe, parole dite sous l’ombrage, invitation dйlicieuse au voyage entre les aulnes. Invisible, entкtй, il semble m’accompagner sous la feuille.

Pour la premiиre fois me voilа, moi aussi, sur le chemin de l’aventure. Ce ne sont plus des coquilles abandonnйes par les eaux que je cherche, sous la direction de M. Seurel, ni des orchis que le maоtre d’йcole ne connaisse pas, ni mкme, comme cela nous arrivait souvent dans le champ du pиre Martin, cette fontaine profonde et tarie, couverte d’un grillage, enfouie sous tant d’herbes folles qu’il fallait chaque fois plus de temps pour la retrouver... Je cherche quelque chose de plus mystйrieux encore. C’est le passage dont il est question dans les livres, l’ancien chemin obstruй, celui dont le prince harassй de fatigue n’a pu trouver l’entrйe. Cela se dйcouvre а l’heure la plus perdue de la matinйe, quand on a depuis longtemps oubliй qu’il va кtre onze heures, midi... Et soudain, en йcartant, dans le feuillage profond, les branches, avec ce geste hйsitant des mains а hauteur du visage inйgalement йcartйes, on l’aperзoit comme une longue avenue sombre dont la sortie est un rond de lumiиre tout petit.

Mais tandis que j’espиre et m’enivre ainsi, voici que brusquement je dйbouche dans une sorte de clairiиre, qui se trouve кtre tout simplement un prй. Je suis arrivй sans y penser а l’extrйmitй des Communaux, que j’avais toujours imaginйe infiniment loin. Et voici а ma droite, entre des piles de bois, toute bourdonnante dans l’ombre, la maison du garde. Deux paires de bas sиchent sur l’appui de la fenкtre. Les annйes passйes, lorsque nous arrivions а l’entrйe du bois, nous disions toujours, en montrant un point de lumiиre tout au bout de l’immense allйe noire: «C’est lа-bas la maison du garde; la maison de Baladier.» Mais jamais nous n’avions poussй jusque-lа. Nous entendions dire quelquefois, comme s’il se fыt agi d’une expйdition extraordinaire: «Il a йtй jusqu’а la maison du garde!...»

Cette fois, je suis allй jusqu’а la maison de Baladier, et je n’ai rien trouvй.

 

Je commenзais а souffrir de ma jambe fatiguйe et de la chaleur que je n’avais pas sentie jusque-lа; je craignais de faire tout seul le chemin du retour, lorsque j’entendis prиs de moi l’appeau de M. Seurel, la voix de Mouchebњuf, puis d’autres voix qui m’appelaient...

Il y avait lа une troupe de six grands gamins, oщ, seul, le traоtre Mouchebњuf avait l’air triomphant. C’йtait Giraudat, Auberger, Delage et d’autres... Grвce а l’appeau, on avait pris les uns grimpйs dans un merisier isolй au milieu d’une clairiиre; les autres en train de dйnicher des pics-verts. Giraudat, le nigaud aux yeux bouffis, а la blouse crasseuse, avait cachй les petits dans son estomac, entre sa chemise et sa peau. Deux de leurs compagnons s’йtaient enfuis а l’approche de M. Seurel: ce devait кtre Delouche et le petit Coffin. Ils avaient d’abord rйpondu par des plaisanteries а l’adresse de «Mouchevache!», que rйpйtaient les йchos des bois, et celui-ci, maladroitement, se croyant sыr de son affaire, avait rйpondu, vexй:

– Vous n’avez qu’а descendre, vous savez! M. Seurel est lа...

Alors tout s’йtait tu subitement; з’avait йtй une fuite silencieuse а travers le bois. Et comme ils le connaissaient а fond, il ne fallait pas songer а les rejoindre. On ne savait pas non plus oщ le grand Meaulnes йtait passй. On n’avait pas entendu sa voix; et l’on dut renoncer а poursuivre les recherches.

Il йtait plus que midi lorsque nous reprоmes la route de Sainte-Agathe, lentement, la tкte basse, fatiguйs, terreux. А la sortie du bois, lorsque nous eыmes frottй et secouй la boue de nos souliers sur la route sиche, le soleil commenзa de frapper dur. Dйjа ce n’йtait plus ce matin de printemps si frais et si luisant. Les bruits de l’aprиs-midi avaient commencй. De loin en loin un coq criait, cri dйsolй! dans les fermes dйsertes aux alentours de la route. А la descente du Glacis, nous nous arrкtвmes un instant pour causer avec des ouvriers des champs qui avaient repris leur travail aprиs le dйjeuner. Ils йtaient accoudйs а la barriиre, et M. Seurel leur disait:

– De fameux galopins! Tenez, regardez Giraudat. Il a mis les oisillons dans sa chemise. Ils ont fait lа dedans ce qu’ils ont voulu. C’est du propre...

Il me semblait que c’йtait de ma dйbвcle aussi que les ouvriers riaient. Ils riaient en hochant la tкte, mais ils ne donnaient pas tout а fait tort aux jeunes gars qu’ils connaissaient bien. Ils nous confiиrent mкme, lorsque M. Seurel eut repris la tкte de la colonne:

– Il y en a un autre qui est passй, un grand, vous savez bien... Il a dы rencontrer, en revenant, la voiture des Granges, et on l’a fait monter, il est descendu, plein de terre, tout dйchirй, ici, а l’entrйe du chemin des Granges! Nous lui avons dit que nous vous avions vus passer ce matin, mais que vous n’йtiez pas de retour encore. Et il a continuй tout doucement sa route vers Sainte-Agathe.

En effet, assis sur une pile du pont des Glacis, nous attendait le grand Meaulnes, l’air brisй de fatigue. Aux questions de M. Seurel, il rйpondit que lui aussi йtait parti а la recherche des йcoliers buissonniers. Et а celle que je lui posai tout bas, il dit seulement en hochant la tкte avec dйcouragement:

– Non! rien! rien qui ressemble а зa.

Aprиs dйjeuner, dans la classe fermйe, noire et vide, au milieu du pays radieux, il s’assit а l’une des grandes tables et, la tкte dans les bras, il dormit longtemps, d’un sommeil triste et lourd. Vers le soir, aprиs un long instant de rйflexion, comme s’il venait de prendre une dйcision importante, il йcrivit une lettre а sa mиre. Et c’est tout ce que je me rappelle de cette morne fin d’un grand jour de dйfaite.


 

 

X

 

La lessive

 

Nous avions escomptй trop tфt la venue du printemps.

Le lundi soir, nous voulыmes faire nos devoirs aussitфt aprиs quatre heures comme en plein йtй, et pour y voir plus clair nous sortоmes deux grandes tables dans la cour. Mais le temps s’assombrit tout de suite; une goutte de pluie tomba sur un cahier; nous rentrвmes en hвte. Et de la grande salle obscurcie, par les larges fenкtres, nous regardions silencieusement dans le ciel gris la dйroute des nuages.

Alors Meaulnes, qui regardait comme nous, la main sur une poignйe de croisйe, ne put s’empкcher de dire, comme s’il eыt йtй fвchй de sentir monter en lui tant de regret:

– Ah! ils filaient autrement que cela les nuages, lorsque j’йtais sur la route, dans la voiture de La Belle-Йtoile.

– Sur quelle route? demanda Jasmin.

Mais Meaulnes ne rйpondit pas.

– Moi, dis-je, pour faire diversion, j’aurais aimй voyager comme cela en voiture, par la pluie battante, abritй sous un grand parapluie.

– Et lire tout le long du chemin comme dans une maison, ajouta un autre.

– Il ne pleuvait pas et je n’avais pas envie de lire, rйpondit Meaulnes, je ne pensais qu’а regarder le pays.

Mais lorsque Giraudat, а son tour, demanda de quel pays il s’agissait, Meaulnes de nouveau resta muet. Et Jasmin dit:

– Je sais... Toujours la fameuse aventure!...

Il avait dit ces mots d’un ton conciliant et important, comme s’il eыt йtй lui-mкme un peu dans le secret. Ce fut peine perdue; ses avances lui restиrent pour compte; et comme la nuit tombait, chacun s’en fut au galop, la blouse relevйe sur la tкte, sous la froide averse.

Jusqu’au jeudi suivant le temps resta а la pluie. Et ce jeudi-lа fut plus triste encore que le prйcйdent. Toute la campagne йtait baignйe dans une sorte de brume glacйe comme aux plus mauvais jours de l’hiver.

Millie, trompйe par le beau soleil de l’autre semaine, avait fait faire la lessive, mais il ne fallait pas songer а mettre sйcher le linge sur les haies du jardin, ni mкme sur des cordes dans le grenier, tant l’air йtait humide et froid.

En discutant avec M. Seurel, il lui vint l’idйe d’йtendre sa lessive dans les classes, puisque c’йtait jeudi, et de chauffer le poкle а blanc. Pour йconomiser les feux de la cuisine et de la salle а manger, on ferait cuire les repas sur le poкle et nous nous tiendrions toute la journйe dans la grande salle du Cours.

Au premier instant, – j’йtais si jeune encore! – je considйrai cette nouveautй comme une fкte.

Morne fкte!... Toute la chaleur du poкle йtait prise par la lessive et il faisait grand froid. Dans la cour, tombait interminablement et mollement une petite pluie d’hiver. C’est lа pourtant que dиs neuf heures du matin, dйvorй d’ennui, je retrouvai le grand Meaulnes. Par les barreaux du grand portail, oщ nous appuyions silencieusement nos tкtes, nous regardвmes, au haut du bourg, sur les Quatre-Routes, le cortиge d’un enterrement venu du fond de la campagne. Le cercueil amenй dans une charrette а bњufs, йtait dйchargй sur une dalle, au pied de la grande croix oщ le boucher avait aperзu naguиre les sentinelles du bohйmien! Oщ йtait-il maintenant, le jeune capitaine qui si bien menait l’abordage?... Le curй et les chantres vinrent comme c’йtait l’usage au devant du cercueil posй lа, et les tristes chants arrivaient jusqu’а nous. Ce serait lа, nous le savions, le seul spectacle de la journйe qui s’йcoulerait tout entiиre comme une eau jaunie dans un caniveau.

– Et maintenant, dit Meaulnes soudain, je vais prйparer mon bagage. Apprends-le, Seurel: j’ai йcrit а ma mиre jeudi dernier pour lui demander de finir mes йtudes а Paris. C’est aujourd’hui que je pars.

Il continuait а regarder vers le bourg, les mains appuyйes aux barreaux, а la hauteur de sa tкte. Inutile de demander si sa mиre, qui йtait riche et lui passait toutes ses volontйs, lui avait passй celle-lа. Inutile aussi de demander pourquoi soudainement il dйsirait s’en aller а Paris!...

Mais il y avait en lui, certainement, le regret et la crainte de quitter ce cher pays de Sainte-Agathe d’oщ il йtait parti pour son aventure. Quant а moi, je sentais monter une dйsolation violente que je n’avais pas sentie d’abord.

– Pвques approche! dit-il pour m’expliquer avec un soupir.

– Dиs que tu l’auras trouvй lа-bas, tu m’йcriras, n’est-ce pas? demandai-je.

– C’est promis, bien sыr. N’es-tu pas mon compagnon et mon frиre?...

Et il me posa la main sur l’йpaule.

Peu а peu je comprenais que c’йtait bien fini, puisqu’il voulait terminer ses йtudes а Paris; jamais plus je n’aurais avec moi mon grand camarade.

Il n’y avait d’espoir pour nous rйunir qu’en cette maison de Paris oщ devait se retrouver la trace de l’aventure perdue... Mais de voir Meaulnes lui-mкme si triste, quel pauvre espoir c’йtait lа pour moi!

Mes parents furent avertis: M. Seurel se montra trиs йtonnй, mais se rendit bien vite aux raisons d’Augustin; Millie, femme d’intйrieur, se dйsola surtout а la pensйe que la mиre de Meaulnes verrait notre maison dans un dйsordre inaccoutumй... La malle, hйlas! fut bientфt faite. Nous cherchвmes sous l’escalier ses souliers des dimanches; dans l’armoire, un peu de linge; puis ses papiers et ses livres d’йcole – tout ce qu’un jeune homme de dix-huit ans possиde au monde.

А midi, Mme Meaulnes arrivait avec sa voiture. Elle dйjeuna au cafй Daniel en compagnie d’Augustin, et l’emmena sans donner presque aucune explication, dиs que le cheval fut affenй et attelй. Sur le seuil, nous leur dоmes au revoir; et la voiture disparut au tournant des Quatre-Routes.

Millie frotta ses souliers devant la porte et rentra dans la froide salle а manger remettre en ordre ce qui avait йtй dйrangй. Quant а moi, je me trouvai, pour la premiиre fois depuis de longs mois, seul en face d’une longue soirйe de jeudi – avec l’impression que, dans cette vieille voiture, mon adolescence venait de s’en aller pour toujours.


 

 

XI

 

Je trahis...

 

Que faire?

Le temps s’йlevait un peu. On eыt dit que le soleil allait se montrer.

Une porte claquait dans la grande maison. Puis le silence retombait. De temps а autre mon pиre traversait la cour, pour remplir un seau de charbon dont il bourrait le poкle. J’apercevais les linges blancs pendus aux cordes et je n’avais aucune envie de rentrer dans le triste endroit transformй en sйchoir, pour m’y trouver en tкte-а-tкte avec l’examen de la fin de l’annйe, ce concours de l’Йcole Normale qui devait кtre dйsormais ma seule prйoccupation.

Chose йtrange: а cet ennui qui me dйsolait se mкlait comme une sensation de libertй. Meaulnes parti, toute cette aventure terminйe et manquйe, il me semblait du moins que j’йtais libйrй de cet йtrange souci, de cette occupation mystйrieuse, qui ne me permettaient plus d’agir comme tout le monde. Meaulnes parti, je n’йtais plus son compagnon d’aventures, le frиre de ce chasseur de pistes; je redevenais un gamin du bourg pareil aux autres. Et cela йtait facile et je n’avais qu’а suivre pour cela mon inclination la plus naturelle.

Le cadet des Roy passa dans la rue boueuse, faisant tourner au bout d’une ficelle, puis lвchant en l’air trois marrons attachйs qui retombиrent dans la cour. Mon dйsњuvrement йtait si grand que je pris plaisir а lui relancer deux ou trois fois ses marrons de l’autre cфtй du mur.

Soudain je le vis abandonner ce jeu puйril pour courir vers un tombereau qui venait par le chemin de la Vieille-Planche. Il eut vite fait de grimper par derriиre sans mкme que la voiture s’arrкtвt. Je reconnaissais le petit tombereau de Delouche et son cheval. Jasmin conduisait; le gros Boujardon йtait debout. Ils revenaient du prй.

– Viens avec nous, Franзois! cria Jasmin, qui devait savoir dйjа que Meaulnes йtait parti.

Ma foi! sans avertir personne, j’escaladai la voiture cahotante et me tins comme les autres, debout, appuyй contre un des montants du tombereau. Il nous conduisit chez la veuve Delouche...

 

Nous sommes maintenant dans l’arriиre-boutique, chez la bonne femme qui est en mкme temps йpiciиre et aubergiste. Un rayon de soleil blanc glisse а travers la fenкtre basse sur les boоtes en fer-blanc et sur les tonneaux de vinaigre. Le gros Boujardon s’assoit sur l’appui de la fenкtre et tournй vers nous, avec un gros rire d’homme pвteux, il mange des biscuits а la cuiller. А la portйe de la main, sur un tonneau, la boоte est ouverte et entamйe. Le petit Roy pousse des cris de plaisir. Une sorte d’intimitй de mauvais aloi s’est йtablie entre nous. Jasmin et Boujardon seront maintenant mes camarades, je le vois. Le cours de ma vie a changй tout d’un coup. Il me semble que Meaulnes est parti depuis trиs longtemps et que son aventure est une vieille histoire triste, mais finie.

Le petit Roy a dйnichй sous une planche une bouteille de liqueur entamйe. Delouche nous offre а chacun la goutte, mais il n’y a qu’un verre et nous buvons tous dans le mкme. On me sert le premier avec un peu de condescendance comme si je n’йtais pas habituй а ces mњurs de chasseurs et de paysans... Cela me gкne un peu. Et comme on vient а parler de Meaulnes, l’envie me prend, pour dissiper cette gкne et retrouver mon aplomb, de montrer que je connais son histoire et de la raconter un peu. En quoi cela pourrait-il lui nuire puisque tout est fini maintenant de ses aventures ici?...

...........................

 

Est-ce que je raconte mal cette histoire? Elle ne produit pas l’effet que j’attendais.

Mes compagnons, en bons villageois que rien n’йtonne, ne sont pas surpris pour si peu.

– C’йtait une noce, quoi! dit Boujardon.

Delouche en a vu une, а Prйveranges, qui йtait plus curieuse encore.

Le chвteau? On trouverait certainement des gens du pays qui en ont entendu parler.

La jeune fille? Meaulnes se mariera avec elle quand il aura fait son annйe de service.

– Il aurait dы, ajoute l’un d’eux, nous en parler et nous montrer son plan au lieu de confier cela а un bohйmien!...

Empкtrй dans mon insuccиs, je veux profiter de l’occasion pour exciter leur curiositй: je me dйcide а expliquer qui йtait ce bohйmien; d’oщ il venait; son йtrange destinйe... Boujardon et Delouche ne veulent rien entendre: «C’est celui-lа qui a tout fait. C’est lui qui a rendu Meaulnes insociable, Meaulnes qui йtait un si brave camarade! C’est lui qui a organisй toutes ces sottises d’abordages et d’attaques nocturnes, aprиs nous avoir tous embrigadйs comme un bataillon scolaire...»

– Tu sais, dit Jasmin, en regardant Boujardon, et en secouant la tкte а petits coups, j’ai rudement bien fait de le dйnoncer aux gendarmes. En voilа un qui a fait du mal au pays et qui en aurait fait encore!...

Me voici presque de leur avis. Tout aurait sans doute autrement tournй si nous n’avions pas considйrй l’affaire d’une faзon si mystйrieuse et si tragique. C’est l’influence de ce Frantz qui a tout perdu...

Mais soudain, tandis que je suis absorbй dans ces rйflexions, il se fait du bruit dans la boutique. Jasmin Delouche cache rapidement son flacon de goutte derriиre un tonneau; le gros Boujardon dйgringole du haut de sa fenкtre, met le pied sur une bouteille vide et poussiйreuse qui roule, et manque deux fois de s’йtaler. Le petit Roy les pousse par derriиre, pour sortir plus vite, а demi suffoquй de rire.

Sans bien comprendre ce qui se passe je m’enfuis avec eux, nous traversons la cour et nous grimpons par une йchelle dans un grenier а foin. J’entends une voix de femme qui nous traite de propres-а-rien!...

– Je n’aurais pas cru qu’elle serait rentrйe si tфt, dit Jasmin tout bas.

Je comprends, maintenant seulement, que nous йtions lа en fraude, а voler des gвteaux et de la liqueur. Je suis dйзu comme ce naufragй qui croyait causer avec un homme et qui reconnut soudain que c’йtait un singe. Je ne songe plus qu’а quitter ce grenier, tant ces aventures-lа me dйplaisent. D’ailleurs la nuit tombe... On me fait passer par derriиre, traverser deux jardins, contourner une mare; je me retrouve dans la rue mouillйe, boueuse, oщ se reflиte la lueur du cafй Daniel.

Je ne suis pas fier de ma soirйe. Me voici aux Quatre-Routes. Malgrй moi, tout d’un coup, je revois, au tournant, un visage dur et fraternel qui me sourit; un dernier signe de la main – et la voiture disparaоt...

Un vent froid fait claquer ma blouse, pareil au vent de cet hiver qui йtait si tragique et si beau. Dйjа tout me paraоt moins facile. Dans la grande classe oщ l’on m’attend pour dоner, de brusques courants d’air traversent la maigre tiйdeur que rйpand le poкle. Je grelotte, tandis qu’on me reproche mon aprиs-midi de vagabondage. Je n’ai pas mкme, pour rentrer dans la rйguliиre vie passйe, la consolation de prendre place а table et de retrouver mon siиge habituel. On n’a pas mis la table ce soir-lа; chacun dоne sur ses genoux, oщ il peut, dans la salle de classe obscure. Je mange silencieusement la galette cuite sur le poкle, qui devait кtre la rйcompense de ce jeudi passй dans l’йcole, et qui a brыlй sur les cercles rougis.

Le soir, tout seul dans ma chambre, je me couche bien vite pour йtouffer le remords que je sens monter du fond de ma tristesse. Mais par deux fois je me suis йveillй, au milieu de la nuit, croyant entendre, la premiиre fois, le craquement du lit voisin, oщ Meaulnes avait coutume de se retourner brusquement d’une seule piиce, et, l’autre fois, son pas lйger de chasseur aux aguets, а travers les greniers du fond...


 

 

XII

 


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